Le front aux vitres comme font les veilleurs de chagrin (P. ÉLUARD)
TM 3 Drifts away
Terre maternelle 3
2012 · IN
Au rythme des vers William Butler Yeats, le poète, je me suis senti en pèlerinage puis j’ai filé vers Inishowen, la sauvage. J’allais droit au recueillement à l’unique condition que la beauté éclate…
Je suis parti comme on dérive. L’achat d’un nouveau boîtier, l’intendance déléguée à une agence, j’avais l’index pointé sur la carte, « monter » plus au nord d’Irlande, seul, sans bagage, sans confort. Y être au plus vite. Atterrir à Dublin, prendre une voiture, conduire à gauche jusqu’à Bundoran sur la côte ouest, prendre mes quartiers dans une chambre miteuse au dessus d’un pub. J’étais parti chercher le silence, le délicat, les ailes de JS Bach, de la subtilité. Reprendre de l’eau après l’asséchement provoqué par des deuils à répétition ; contrarier ces pilons qui fracassent tout. Je voulais me retrouver devant, attendre la beauté là où je la pressentais. Les godillots étaient lourds. Le sommeil fonctionnait comme le chauffe-eau du pub ; il finissait par fournir mais longtemps après. Au rythme des vers William Butler Yeats (le poète), je me suis senti en pèlerinage puis j’ai filé vers Inishowen, la sauvage. J’allais droit au recueillement à l’unique condition que la beauté éclate devant moi. Elle fut lumineuse, une apparition, crue, incernable, invraisemblable comme un témoignage foireux, une marche vers la béatification, l’amorce d’une canonisation. Sainte lumière, Sainte Lucie, Sainte Luce, j’ai prié pour toi. Le voyage s’est arrêté quand je suis revenu à la fraternité des hommes, rassasié de lumière.