de 7 à 9 ans
Avec l’INSTAMATIC de ma grand-mère Léone, j’ai eu le droit de photographier vingt-quatre fois la dent d’Arclusaz en Savoie sans être grondé. En allant chercher la pochette des tirages, j’ai ressenti l’étrange angoisse de les découvrir développés, en vrai.
de 9 à 10 ans et demi
Un cadeau de je-ne-sais-où… La suite de l’appareil de Mémée Léone mais moins bien. Quand le levier d’avancement de l’Instamatic donnait des signes de résistance, il y avait l’Agfamatic mais moins d’envie aussi.
de 10 ans et demi à la fac
Le ME super de PENTAX, mon premier boitier rien qu’à moi. Il a été de tous les coups : les filtres Cokin, les focales aberrantes, les accessoires épiques. L’appareil de l’initiation et des mauvaises photos. Un temps long.
Des mûres parce que c’est joli.
de la fac aux premiers apparts.
Les débuts de l’intermittence entre boitiers. L’appareil d’Albert, mon grand-père maternel. La conception allemande, la rusticité de la mécanique mais quelle quelle lumière dans le viseur!
Tout mon grand-père.
de la fac aux premiers apparts.
L’appareil de Georges, mon grand-père paternel. Un Foca-sport. Une appareil de bandoulière. Un appareil pour être partout, sans piqué mais fidèle à l’intention de départ.
Des appartements de ville à la vie entière.
Le bijou et le maître. Il m’a appris le temps. Une autre façon de regarder et de sentir les alentours.
Chacun devrait avoir un Rolleiflex dans la vie…
Sinon, au moins, un Greatwall ou un Lubitel pour voir le monde du dessus, du bout du plongeoir.
L’age d’avoir de l’ambition, des enfants, des trophées.
Être au cœur de l’action.
Le Nikon Coolpix 4500
Le temps des choses sérieuses, de l’autoportrait en hors-champ tous azimuts. Les premières vraies photographies aussi.
L’age d’avoir de l’ambition, des enfants, des trophées.
Le plein entre les mains. Le Sony Cybershot. Un complice de la danse, un studio à lui tout seul. L’impression d’être complet, d’être en mesure d’aller là où la photographie se fait.
L’age des choses sérieuses et de leurs contraires.
La meilleure façon de dire bonjour.
Le Polaroid One 600.
L’age des choses sérieuses et de leurs contraires.
L’ardoise magique. Polaroid Joycam. Le jouet qui fait sourire et qui fait du réel un souvenir immédiat.
Une non-rencontre.
Un boitier sans âme. Une illusion.
Comme dans la vie avec les gens qui sonnent creux.
La séparation s’impose.
Revendu illico.
L’age des choses sérieuses et de leurs contraires.
Les demi-formats crasseux. Le jouet qui devient outil. La sensation d’être dépassé par un bout de plastique : Le Diana mini. Un capteur de grondements, ultra-léger et omniprésent.
Le temps du doute des certitudes.
Le virage. Une conscience neuve des présences.
La perspective des fins, du prévisible.
L’Olympus Pen E P1. L’associé fiable et distrayant.
Un objet d’étude à part entière. Un détecteur.
Le temps de l’insoumission aux deuils répétés.
Une quête de ressources, bien plus que de sens.
Fuji X-Pro 1. Le boitier de la révolte. La volonté d’aller au devant des choses. Une histoire fonctionnelle, un peu fade mais efficace. On s’est quitté bons amis.
De l’absence d’un chat à l’inconnu
01/02 – La main sur un trésor. Je promène le RX1 partout.
On se fréquente.
15/02 – La vie sourit à la porte de la maison. Une tête de chat sur un pull poilu. En dessous, un rêve.
Plantation d’anniversaires en cours. De la création à venir.
Les doigts glissent sur des touches en dévers. La patience fond à son contact. Des possibles dans la douleur. D’autres chats à fouetter, il fait l’affaire et présente bien. A force.
Le temps de se voir des enfants partout et nulle part
Eugène (Mamiya RB67 proS – 90 mm) pèse de tout son poids. 3,5 kg sur la nuque, dans les paumes. En bandoulière, n’en parlons pas. On s’est croisé un matin. Lui sur une table d’exposition et moi sous le charme à faire des aller-retour devant. Un intouchable. Il a sa chambre à lui, je m’en réjouis. Le temps lui appartient. Je ne vois le monde qu’avant et après. L’intendance prend le pas. Il faut être bien accompagné. Je m’y emploie.
Le temps qu’il me reste.
Dans l’ordre, j’ai appris à regarder, à nager, à éteindre la lumière pour dormir, à réparer des objets et des sentiments à condition qu’ils soient vieux ; ceux que je trouvais en panne ou éteints, à défier l’entreprise de formatage scolaire et au delà.
À côté, j’ai tracé la route des émerveillements avec des boitiers copain, complice, traite, frère, jouet, amis, bijou et pacotille. Une histoire de fidélité à la beauté et de rapport singulier au temps. Témoins ensemble du mouvement du monde, attaché à le montrer dansant, fuyant comme la peste la nature morte.